Le reste de la journée s’était déroulé sans incident notable. Mon père (et le reste de ma famille d’ailleurs hormis ma mère) n’était pas au courant de mes exploits de la matinée. A vrai dire, c’était sans doute mieux. Le temps au moins que je fasse le point sur l’extraordinaire nouvelle que je venais d’apprendre.
C’était seulement le soir que j’avais réellement pris conscience de la signification des derniers événements. A ma connaissance, il y avait actuellement peu de sorciers encore vivants, et il en faudrait bien un pour accomplir la prophétie de l’Amulette... (si elle existait encore).Cette pensée me traversa l’esprit un bref instant, et repartit aussi vite. J’avais d’autres préoccupations plus urgentes à l’heure actuelle : je devais faire mon apprentissage chez un sorcier. Lequel ?
Brusquement, le cours de mes pensées prit fin. Une présence...
Je la sentais plus que je ne la voyais.
« Idiot, marmonnais-je à haute voix, qui te suivrait dans ta chambre ?
_Plus de gens que tu ne saurais l’imaginer... »
Je sursautai en entendant cette voix. Dans l’ombre d’un coin de la pièce, quelque chose bougea...quelque chose qui apparut subitement à la faible clarté de la lune qui filtrait à travers le rideau.
C’était une femme, une Elfe plus précisément. Et à en juger par le diadème qu’elle portait pas de moindre importance. Ses longs cheveux blonds, qui, lâchés, lui tombaient à hauteur de la taille, encadraient son visage d’une perfection typique de la race elfique.
« Qui êtes-vous ? »
Ce fut la seule question qui me vint à l’esprit dans ce moment critique. Une ombre passa sur le visage de l’elfe : « Une sorcière comme toi... murmura-t-elle. Vite, prépare-toi à partir le plus vite possible.
_Pourquoi ? Je la regardais, interloqué.
_Parce qu’en ce moment, dit-elle d’une voix agacée, tu as une unité de cavalerie d’élite aux trousses.
_Mais pourquoi ? insistais-je de plus en plus surpris.
_Ecoute-moi attentivement, je ne le redirai pas deux fois : tu es l’Elu de la prophétie, et l’empereur est conscient de la menace que tu représentes pour lui. Il a donc décidé de t’éliminer : rien de plus logique. »
Mon sang ne fit qu’un tour. Je crus un court instant que j’allais m’évanouir.
« Mais mes parents...
_Tu n’as pas le choix, tu dois fuir maintenant.
_Pour aller...
_Aux Rives du Destin. Je doute fort que cette information te soit d’une quelconque utilité. Sache seulement que je suis la fille du roi des Elfes et que ce lieu est la seule partie de l’empire qui ne se soit jamais soumis au pouvoir du magicien. Tu y seras en sécurité. »
Soudain dehors des cris retentirent suivis par des bruits de cavalcade.
« Dépêche-toi ! »
Sans plus hésiter, j’enfilai rapidement une paire de chaussures, un capuchon et je suivis l’Elfe qui venait de traverser la pièce en coup de vent, et sortait par la porte arrière donnant sur le jardin. Un superbe cheval blanc attendait dehors. La jeune Elfe s’en approcha et l’enfourcha sans hésitation. Me tendant le bras, elle m’aida à m’installer derrière elle et lança aussitôt l’animal au galop.
Au loin résonnaient des échos de voix, et des hurlements à glacer le sang.
Le grand étalon bondit et s’engagea sur un sentier de terre battue s’enfonçant dans la forêt. L’Elfe avait à la main droite une longue dague effilée dont elle avait visiblement l’intention de se servir si nos poursuivants nous rattrapaient.
C’est seulement à ce moment que je me rendis compte combien elle était belle. Subjugué, une seule question me vint encore à l’esprit :
« Quel est votre nom ?
_Earenya, cela signifie « jour de mer » en elfique. »
Il y eut soudain un bruit de galopade effrénée dernière nous. Sans plus rien dire d’autre, je me cramponnais à la selle.
La course-poursuite jusqu’aux Rives du Destin commençait.