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Publié : 2 février 2006
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Chapitre 1 : Un nouveau magicien ?

Ce n’est pas tant le manque d’argent lui-même qui m’exaspérait, mais plutôt l’idée d’avoir travaillé pour rien. Les dernières récoltes avaient été saccagées par les troupes du sorcier et depuis, la nourriture se faisait rare. De plus, l’hiver arrivait avec une vigueur inattendue cette année, ce qui n’arrangerait sûrement pas les choses... Je connaissais l’histoire d’Elfric, bien évidemment. Comme tous les gens du village. Qui n’avait jamais entendu l’histoire du magicien ? C’était l’une des plus prisées des conteurs de la région !

Très jeune, Elfric montrait déjà des dispositions hors du commun en matière de sorcellerie. Les magiciens de l’empire lui avaient enseigné le savoir runique et le secret de leur art. Seulement Elfric avait de l’ambition. Une qualité, certes, car cette soif de réussite lui avait été précieuse lors de son apprentissage, le faisant progresser d’une manière spectaculaire ; un défaut aussi, qui s’était même révélé dangereux. Il était très jeune quand ses parents étaient morts, et le magicien à qui il avait été confié ne l’avait jamais apprécié à sa juste valeur. Un ardent désir de vengeance était né en lui et n’avait cessé de croître durant toutes ces années.

Devenu adulte, il avait réuni autour de lui des partisans, magiciens ou non, attirés par l’or ou le pouvoir que leur promettait Elfric. Ses armées prêtes, il avait lancé un assaut sur tout le royaume soumettant le peuple à sa loi ou tuant les récalcitrants. Bientôt, toute la population, apeurée, s’était retranchée entre les murs de Rhûn, la capitale de l’empire, réputée imprenable. Mais Rhûn avait été prise. Les armées d’Elfric seules n’auraient pas suffi. Il avait fallu l’utilisation d’un très puissant sortilège pour en venir à bout. Chose qu’Elfric n’aurait pu réussir seul. On avait alors entendu murmurer le nom d’Elenwë (qui signifie l’Etoilée), comme alliée du magicien. Jadis bannie de l’empire, il s’agissait d’une très puissante sorcière qui avait monté un complot afin de se débarrasser de l’empereur. Découverte, elle avait dû fuir mais avait juré de revenir se venger. Si je ne connaissais pas le sorcier, j’avais déjà vu celle qui était soupçonnée d’être sa complice : grande, mince, éthérée. Ses longs cheveux noirs, lisses et brillants comme l’ébène tombaient sur ses épaules jusqu’au creux de ses reins, son visage avait les traits fins et délicats d’une déesse. Je revoyais encore ses yeux d’un bleu si pur m’observer comme s’ils cherchaient à lire en moi... A ce moment, cependant, son visage portait déjà la marque du mal qui s’insinuait en elle, pareil à un serpent ; et la colère, la haine, la rage qui la rongeaient.

Je n’avais que deux ans, mais ce souvenir est resté profondément gravé dans ma mémoire avec une clarté parfaite. Selon ma mère, je lui ressemble assez, ce que je trouve d’ailleurs vrai. Et ce n’est pas une coïncidence : Elenwë, surnommée « la fleur de la mort » pour sa délicatesse et son apparence trompeuse, n’était autre que ma tante. Une des rares parentes vivantes, hormis mon père, ma mère, mes trois frères et ma soeur. La seule sorcière de la famille aussi (alors que ces choses-là se transmettent généralement de génération en génération...).

De par ce lien, tout le village s’était mis à nous craindre autant que la peste (si toutefois c’est possible) et nous vivions désormais reclus, sur le haut de la colline qui surplombe le bourg. Une prophétie annonçait bien l’arrivée d’un opposant à son pouvoir, à leur pouvoir, qui saurait retrouver la puissante Amulette du Jais, disparue depuis des décennies, et s’en servir afin de ramener l’ordre dans l’empire. Mais très sincèrement, je n’y croyais pas trop. Ce que je ne savais pas encore en me levant ce matin, c’est que j’allais faire une découverte d’une grande importance : j’étais un sorcier...