Je n’avais pas fermé l’oeil de la nuit, retournant mes visions dans ma tête. Aux aurores, alors que je commençais seulement à somnoler, on vint me chercher dans ma chambre : le conseil des sages avait à me parler. Encore à moitié endormi, je marchais à travers le dédale de couloirs jusqu’à la salle du trône que je visitais pour la troisième fois en moins de deux jours...
Je m’attendais à avoir affaire à des vieux grisonnants, je me trompais : la vieillesse ne semblait pas avoir de prise sur les Elfes, de même que le temps. Ils étaient tous là à me fixer intensément, de quoi me mettre rapidement mal à l’aise.
« Nous savons qui tu es. » La voix froide, glaciale me fit l’effet d’un couteau.
« J’ai été le maître de ta tante. Je sais que tu as hérité des mêmes pouvoirs. Ne nie pas que tes facultés de perception ne s’arrêtent pas à ton champ de vision !
En effet... » Je déglutis avec peine. La discussion semblait mal engagée et je voyais mal, vu la direction qu’elle prenait, comment la rétablir.
L’homme qui s’était adressé à moi quelques instants plus tôt reprit son interrogatoire :
« Quand as-tu vu ta tante dernièrement, pourquoi t’a-t-elle demandé d’infiltrer le royaume des Elfes ? »
Je me sentis chaviré.
« C’est un énorme malentendu, je...
Tu oses mentir... ! » L’homme s’était levé et me menaçait du regard.
« Il ne ment pas Finwë.
Artanis, on ne dérange pas un conseil !
Je sais père, mais je crains d’être porteuse de très mauvaises nouvelles, quant à ce garçon. Il dit la vérité et court un grand danger. »
Je me tournais vers l’Elfe. Elle avait un air grave, fatigué.
« Nous ne savons pas où se trouve l’Amulette mais il est l’Élu et saura la trouver. C’est une nécessité, car le Sorcier a lancé ses troupes d’élite en route pour écraser les rebellions.
La guerre civile menace, il faut absolument y mettre un terme avant qu’elle n’éclate. »
Les sages accusèrent le coup. Enfin, le père d’Artanis posa sur sa fille un visage troublé.
« En es-tu sûre ? »
Elle hocha la tête.
« Je serai celle qui le guidera dans sa quête. Je puis lui être utile pour lui expliquer ses visions et le voyage sera plus rapide avec Norfin.
Qui est Norfin ? demandai-je.
Un dragon. Je peux communiquer avec lui car la magie se manifeste chez moi sous la forme d’un don de télépathie. »
Je restais figé, essayant d’assimiler ce que je venais d’entendre.
« Vous partirez dans une heure. Il n’y a plus de temps à perdre. Mais Artanis, tu es ma fille unique et je te prie de faire attention à toi durant ce voyage. »
Sur ces mots, les sages suivirent Finwë vers la porte de sortie de la salle. Je me tournai vers Artanis.
« Allons-y, murmura-t-elle doucement, il ne nous reste que très peu de temps. Nous devons arriver le plus rapidement possible au Cercle Infernal.
Pourquoi ?
La légende dit que des manuscrits de runes draconniques y sont conservés qui indiquent la route vers le lieu où se trouve l’Amulette.
C’est une très grande forteresse, un avant-poste où se côtoient des gens ayant la capacité de communiquer avec les dragons comme moi. »
J’acquiesçais de la tête. D’après mes calculs, j’avais encore environ cinquante-deux minutes pour faire mes adieux à la soeur d’Earenya.